Nouveaux horaires chez Monet

Si vous prévoyez de venir visiter Giverny en 2026, veuillez noter que les horaires du matin changent. Les visiteurs individuels entreront dans les jardins à partir de 10 heures seulement, tandis que les groupes y auront accès dès 9 heures. La billetterie en ligne sera ouverte à partir du 2 février.
Le pont de bois

Guy Rose, Le Vieux Pont (The Old Bridge, France), 1910
Les vues de ponts ont été l’un des thèmes favoris des impressionnistes tout comme des photographes du début du XXe siècle. La hauteur de celui dépeint par Guy Rose, sa légère courbe, sa construction en bois permettent d’affirmer qu’il s’agit de celui de Manitaux, que l’on voit sur cette carte postale ancienne :

Je pense que Rose se trouvait de l’autre côté du pont, avec la colline à sa gauche. Il a l’air d’être en bateau au milieu du bras de Seine (grossi de quelques gouttes de l’Epte). Et que pensez-vous de la position de Frieseke, ci-dessous ? N’est-il pas un peu haut pour peindre assis dans un bateau, lui aussi ?

Novembre à Giverny
L’artiste californien Guy Rose a séjourné longuement à Giverny, où il possédait une maison, « la Pergola ». Il est ainsi l’un des rares membres de la colonie impressionniste du village à s’être attaché à représenter le paysage à l’arrière-saison. La lumière atténuée du mois de novembre lui a inspiré plusieurs tableaux :

Pour exécuter cette toile, Rose a emporté tout son matériel en haut de la colline qui surplombe Giverny à l’ouest, en direction de Vernon. Il se trouve au-dessus de Grande Île. On aperçoit sur la droite le pont de pierre qui enjambait la Seine. Rose a adopté le principe très impressionniste des arbres au premier plan. On retrouve dans ce tableau la sensation de vertige que donnent les vues de Monet prises du haut des falaises de la côte normande.
Le titre souligne l’importance donnée à l’instantanéité, à l’effet de lumière. Le soleil a disparu derrière l’horizon, laissant dans le ciel une clarté jaune qui se reflète encore dans la Seine sur la gauche du tableau. Les détails du paysage disparaissent dans une brume bleutée d’une grande douceur, contrastant avec la définition vigoureuse du premier plan.

Au bord de l’Epte, du côté de la gare de Giverny, ces deux barques figurent dans plusieurs tableaux de Rose. Matin de novembre présente une atmosphère ouatée qui décline les subtiles nuances de bleu et de vert.

Brumes de Novembre est légèrement plus lumineux, comme si le soleil voulait percer derrière les arbres. La toile est dans l’esprit de la série des Peupliers de Monet.

Et voici ces mêmes barques au format paysage, l’accent étant mis cette fois sur les reflets. Cette image de la barque emplie d’eau et qui ne flotte plus qu’à demi me paraît assez mélancolique, voire un peu lugubre. On la retrouve chez Pierre Maubert. Il faut croire qu’il était banal que les barques ne soient pas très étanches.
Les vêtements de Monet

Jean-Pierre Hoschedé, dans l’ouvrage qu’il a consacré à son beau-père Claude Monet ce mal connu (éditions Cailler) donne une description détaillée de la façon de s’habiller du peintre. Ecrivant quarante ans après la mort du peintre, il s’est probablement appuyé sur des photos pour se rafraîchir la mémoire. Ses phrases ponctuées de jamais et de toujours sont bien un peu agaçantes par leur ton catégorique, et on pourrait trouver un contre-exemple à la plupart de ses affirmations. L’ensemble reste tout de même un témoignage de première main de la part de quelqu’un qui a très bien connu Monet dans sa maturité et sa vieillesse.

Sa tenue ne variait pour ainsi dire jamais. Coiffé d’un béret, chaussé de bottes de cuir ou de sabots. (Je précise de cuir parce que le mot botte fait maintenant penser exclusivement aux bottes de caoutchouc dont Monet n’aurait certainement pas voulu si elles eussent existé en son temps).
Ses chemises de fine baptiste, jamais de flanelle, étaient très particulières : les poignets plissés dépassaient longuement les manches de la veste recouvrant une partie des mains. La fermeture en était marquée par un jabot également plissé, ce qui lui permettait de ne jamais porter de cravate sans pour cela avoir l’air le moins du monde négligé, bien au contraire. Monet resta fidèle toute sa vie à ce genre de chemises, lesquelles semblaient faire partie de son individualité. Sans elles, ce n’aurait plus été Monet.
Pendant bien des années, il fut toujours vêtu, en hiver, de velours, en été, de grosse toile. Ses pantalons étaient pincés à la cheville, par plusieurs boutons. Il avait ainsi l’air fruste d’un campagnard. A l’aise dans ses vêtements, jamais guindé, jamais il ne suivit la mode, jamais il n’eût de veston à revers, mais toujours « à col chevalière » et le plus souvent fermé par le premier bouton.
Malgré cette simplicité, à cause d’elle peut-être, sa mise n’était pas sans une certaine coquetterie. Plus tard, rien ne changea dans sa façon de se vêtir, mais, et ce fut sans doute une conséquence de l’aisance enfin venue, il choisissait lui-même, chez un bon tailleur de Paris, ses étoffes, drap ou forte toile, toujours dans des teintes claires ou mélangées, c’est-à-dire chinées. Je ne me souviens pas avoir vu Monet avec un costume rayé.
A la campagne, il ne portait généralement pas de gilet, sauf lorsque la vieillesse fut venue. Rien qu’une chemise en été, et en hiver, par dessus elle, un gros jersey.
Monet porta toujours la barbe, une belle barbe nature que les ciseaux du coiffeur ne touchèrent jamais. Sur ses vieux jours, il ne porta plus ni le béret, ni les bottes, ni les sabots. Il adopta alors, pour l’hiver, un feutre, frère du célèbre chapeau de son ami Clemenceau et pour l’été un grand chapeau de paille, de paille souple, mais quelquefois, en excursion ou en voyage, il portait une casquette et cela à dater de la pratique de l’auto. Les bottes furent remplacées par des chaussures d’une bottier parisien – toujours le même – et faites sur mesure. Ce ne fut plus alors le paysan cossu, mais le campagnard chic quoique discret et sans aucune opulence vestimentaire. Même par les plus grands froids, même travaillant en plein air et en plein hiver, Monet ne mettait jamais ni foulard, ni cache-nez. Jamais il n’était emmitouflé, restant fidèle à son seul jersey que, souvent parles temps seulement un peu froids, ou par les soirées fraîches d’été, il jetait sur son dos, par dessus la veste, les deux manches ramenées flottantes de chaque côté de la poitrine.
Bien entendu la tenue de Monet telle que je viens de la décrire n’était pas celle de ses déplacements à Paris. Il lui fallait alors endurer, avec le complet veston à revers, la chemise de tout le monde, sans poignets ni jabot plissé, mais la chemise empesée avec manchettes à boutons, avec col rabattu (il n’en eut en aucune circonstance à col montant) et généralement une cravate Lavallière. Enfin à la place du béret, il portait un feutre mou, mais jamais le melon alors à la mode.
Lorsqu’il lui fallait ainsi s’habiller, cela n’allait pas toujours sans énervement de sa part : le col difficile à boutonner et les manchettes qui l’étaient aussi, se trouvaient souvent déchirés par lui avant que ma mère ait eu le temps de venir à son secours.
Le jardin des MacMonnies

S’il n’était pas pensable pour une femme d’aller peindre seule dans la campagne à la fin du XIXe siècle, rien ne l’empêchait de représenter son jardin. A Giverny, Mary et Frederick MacMonnies en avaient un somptueux, à un kilomètre environ de celui de Monet, en direction de Vernon. La statue de Pan au milieu du bassin tout rond permet de l’identifier.

C’est la même que celle qui figure sur la toile du musée de Vernon, peinte en hiver.

Et voici à nouveau ce coin de jardin sous un angle presque identique, en été. C’est un jardin de rêve, qui offre un magnifique belvédère sur la vallée. On aperçoit le début de la pergola de roses à droite. J’ai l’impression que le tableau d’hiver est antérieur aux deux autres car le banc de pierre le long du mur n’y figure pas. Rentrait-on vraiment un tel banc en hiver ?

Et voici un quatrième point de vue… Le plus étonnant, c’est la présence de ces grosses colonnes blanches, anachroniques le long de cet ancien monastère du 16e siècle tout en colombages. Je n’en ai pas la preuve, mais je ne serais pas étonnée que ce soit là un ajout fait par les MacMonnies pour avoir un « porche » à l’américaine. Petit détail adorable, la cuisinière de dînette de ses deux filles au premier plan. Les petites chaises ont bien l’air d’être destinées à des enfants elles aussi.
Dans la vigne

Emma Richardson Cherry, huile sur toile
Cette toile d’Emma Richardson Cherry est reproduite en noir et blanc par William Gerdts dans Giverny, une colonie impressionniste sous un titre erroné, Les Moissonneurs. L’auteur en donne les dimensions exactes, 38.4 x 49.5 cm, mais je ne l’ai pas trouvée au Denver Art Museum où il la localise. On lit la signature en bas à gauche, et peut-être « Normandie » en dessous. Une femme est en train de sarcler la vigne avec une houe. Un magnifique pommier en fleurs domine la composition, accompagné de deux plus petits : une amorce de verger.
C’est l’une des très rares évocations picturales de la culture de la vigne à Giverny au XIXe siècle. Les pieds étaient taillés courts. Les rangs de vigne plantés face au sud dans le coteau profitaient d’un ensoleillement maximum. Mais on voit que la vigne descendait jusqu’au niveau des maisons, et à en juger par la présence des peupliers à l’arrière-plan, cette ferme se trouve tout en bas, à côté de la route.
Le sarclage de la vigne consistait à déraciner les mauvaises herbes avec une houe ou une binette, pour éviter qu’elles ne fassent concurrence à la vigne. Ce travail était considéré comme une tâche « légère » qui pouvait être accomplie par une femme, de même que la taille ou la vendange.
Emma Richardson Cherry

Cette jolie aquarelle est l’oeuvre d’une des premières artistes américaines à avoir séjourné à Giverny, Emma Richardson Cherry. Elle est signée, titrée Normandie et datée 1888 en bas à droite. Une paysanne chargée de paniers remonte la rue de la Côte dans un paysage baigné de lumière. On aperçoit au fond la ferme de la Côte et la colline qui domine le village.
J’ai été frappée par la ressemblance de cette aquarelle avec les peintures très claires que l’Anglais Dawson-Watson a exécutées dans le village. Vérification faite, cela n’est pas très étonnant, regardez :

Cette toile, qui fait partie de la collection Terra, est déjà venue à Giverny. C’est exactement la même composition. Du coup, on peut douter de l’originalité de celle d’Emma. N’a-t-elle pas tout simplement copié celle de Dawson ? Emma était amie avec la future femme de Dawson, Mary Hoyt Sellars. Toutes deux sont arrivées à Giverny en 1888, selon le récit de Dawson, bientôt épris de Mary. A cette époque, Emma étudiait à l’académie Julian à Paris.
Il est aussi possible d’imaginer Emma faisant de l’aquarelle dans la rue aux côtés de Dawson, et je penche pour cette option, en observant les angles que forment les bâtiments. Emma a l’air d’être debout à droite de Dawson. Elle ajoute le pilier du portail de la maison de droite mais ignore la cheminée. le mur dans l’ombre est plus court que chez Dawson. Elle voit un toit de plus à la ferme de la Côte.
Emma est venue à Giverny parce qu’elle avait envie de peindre en plein air, occupation jugée inconvenante pour une jeune femme seule. Elle a saisi l’occasion de profiter de la compagnie de Dawson. Ce dernier a sans doute retravaillé son propre tableau, peut-être en atelier. Emma nous livre une impression spontanée d’un instant d’été. A voir les ombres, il n’est pas loin de midi.
Cinq ans plus tard, Emma Richardson Cherry donnait l’impulsion à la fondation du musée d’art de Denver au Colorado. Malheureusement, le musée ne présente aucune oeuvre d’elle.
Les derniers feux de Giverny

Le bassin aux nymphéas de Monet, 26 octobre 2025. Octobre s’avance avec ses averses de pluie battante ou sournoise, ses rafales de vent décoiffantes, et parfois le miracle de parenthèses enchantées qui magnifient la beauté de l’automne.

J’ai fait dimanche une visite très matinale au cours de laquelle le bassin s’est montré d’une splendeur saisissante. Voici l’étang de Monet à 8h40, une nouvelle heure d’hiver toute fraîche.

Et le revoici une heure plus tard. Les reflets vibraient sous l’effet d’une légère brise. Quelques visiteurs admiraient le spectacle depuis le pont.

Ailleurs, personne.

Le petit pont est encore serti dans un écrin vert.

Derrière le deuxième atelier, la colline a commencé à roussir. Pendant quelques heures, le ciel nous a fait le cadeau d’être intensément bleu, étalant tout cet azur autour des plus irréductibles des nymphéas.
Les pépinières Féron

On le sait peu, mais Giverny disposait d’une florissante entreprise d’horticulture à l’époque de Claude Monet. C’est vers 1890 qu’Albert Féron s’installe dans le village et y fonde ses pépinières. Horticulteur, il est aussi paysagiste et travaille notamment pour la mairie de Giverny et pour l’hôtel Baudy, qu’on aperçoit à l’arrière-plan derrière le mur orné de la raison sociale de l’entreprise. Les terrains s’étendaient jusqu’à la ferme de la Dîme, qui faisait partie de la propriété des Féron. C’était leur résidence.
Claude Monet a-t-il fait appel aux services d’Albert Féron ? Certainement pas pour la création de jardin, cela va de soi, mais il est vraisemblable qu’il lui ait commandé des végétaux, bien qu’on n’en ait pas de preuve écrite. Dans le village, tout se passait de vive voix. On imagine assez bien le peintre et son chef-jardinier venir choisir des arbres sur place, pour s’assurer d’avoir les mieux formés. Il était avantageux pour Monet de se procurer des arbres adaptés aux exigences du terrain et du climat de Giverny.
La pépinière a perduré pendant quarante ans, jusqu’au début des années 1930.
Les professions de Giverny en 1891

Theodore Robinson, Girl raking hay, (jeune fille ratissant du foin) vers 1890
Je viens de me livrer à un petit dénombrement des métiers pratiqués à Giverny tels qu’ils apparaissent dans le recensement de la population de 1891. Certes le résultat présente un biais, car seule est notée la profession du chef de famille, rarement celle des plus grands enfants alors que naturellement tout le monde mettait la main à la pâte, comme on le voit sur le tableau de Robinson. De plus, une seule profession est enregistrée, alors que bien des personnes en avaient plusieurs. Voici le décompte, sur une base de 104 ménages :
Métiers liés à l’agriculture : cultivateur 34, journalier 31, jardinier 3, meunier 1, charretier 4, berger 1, maréchal ferrant 1 + 2 commis (total 77)
Métiers liés au vêtement : couturière 3, lingère 2, cordonnier 1
Employés : cantonnier 2, garde champêtre 1, garde particulier 2, domestique 8, employé des chemins de fer 4, receveuse 1, instituteur 1
Artisans : peintre 3, maçon 6, mécanicien 1
Artistes : dramatique 1, lyrique 1, peintre 3
Aubergiste, maître.sse d’hôtel : 3 + garçon de café 1
Rentiers : 17
Sans surprise les métiers de l’agriculture arrivent largement en tête dans ce petit village rural. Quand on possède de la terre on se présente comme cultivateur, quand on travaille pour les autres à la tâche on est journalier. Le recenseur n’a pas cherché à détailler d’éventuelles spécialisations, et c’est dommage. En revanche, quand les personnes donnent spontanément leur profession dans les actes d’état-civil, on voit apparaître des viticulteurs à Giverny. C’est le cas de Louis Singeot, propriétaire de la maison de Monet à son arrivée dans le village en 1883. D’autre part, Giverny possédait une florissante entreprise d’horticulture, pépinières, création de jardins, qui ne ressort pas dans le recensement.
Le nombre de rentiers, 17, peut paraître élevé. Il correspond le plus souvent à des personnes âgées qui mettent leur biens en location ou en viager, seule possibilité de toucher une sorte de retraite. Ceux qui n’en ont pas les moyens travaillent jusqu’à la fin. Ainsi le garde champêtre a 82 ans, l’un des cantonniers en a 70. On a l’impression que ce sont des emplois qui leur ont été confiés par bienveillance à leur égard.

Dès 1891 on remarque la présence de 5 artistes à demeure à Giverny. Ceux de passage, hébergés à l’hôtel ou chez l’habitant, sont bien plus nombreux. Sur les trois artistes peintres, on compte Monet bien sûr, mais aussi Georges William Thornley, qui habitait la maison voisine. Monet appréciait son talent de graveur. Thornley a été chargé de transcrire en lithographie des peintures de Monet, ce qui peut sembler une gageure, mais il s’en est sorti avec brio.
Les arches du pont médiéval

Le pont médiéval de Vernon
Entre le Vieux moulin et le château des Tourelles, les récents travaux ont dégagé, restauré et mis en valeur les arches toujours debout du pont médiéval sur la Seine. C’est au milieu du XIIe siècle qu’on trouve la première mention de ce pont, probablement plus ancien. Il aurait environ un millénaire. Construit en pierres de Vernon, c’est ce matériau qui a été utilisé pour remplacer (par en-dessous…) les pierres endommagées. Les deux premières arches qui étaient bouchées ont retrouvé toute leur élégance. Les cyclistes et les piétons peuvent désormais passer dessous et poursuivre leur promenade le long de la Seine, sur la voie de la Seine à vélo.

Et voici, côté Seine, le Vieux moulin, emblème de Vernon et de l’entrée en Normandie. Il daterait de 1478. Au-delà, les arches ont disparu, il ne reste que quelques piles du pont du Moyen-Âge. Sur celle du Vieux moulin, on voit que la végétation s’installe avec vigueur dès qu’on tourne le dos. Au niveau des arches, qui étaient couvertes de lierre, les spécialistes des vieilles pierres ont dû batailler pour se débarrasser des racines. Ils ont parfois été obligés de démonter le parapet jusqu’au tablier du pont pour en venir à bout.
Les tacots de Jacques Charmoz

Voici une petite assiette à fromage ou à dessert issue d’un service de Gien qui a été très populaire dans les années 1950-60. Chaque assiette représente un véhicule ancien assorti d’une date. Les dessins sont signés Jacques Charmoz, un homme qui, certes, a vécu sa vie pied au plancher.

Sur ce modèle, une jeune femme dissimulée sous une gaze pour se protéger du vent, de la poussière et des insectes est assise à l’arrière d’un véhicule sans fenêtre. Son chauffeur s’apprête à monter dans l’auto, un bidon à la main. Il disparaît sous un long manteau de fourrure, un casque de cuir, des lunettes et des gants. Seule la moustache dépasse, ce qui laisse supposer que ces chaussures pointues et ces chevilles fines sont bien celles d’un homme. L’aspect désuet de la scène lui donne un côté cocasse, qui n’est sans doute pas pour rien dans le succès de ce service.
Ce matin, je m’apprêtais à ranger cette assiette avec ses soeurs quand je me suis avisée que…

Ce n’est peut-être pas tout à fait la même, mais elle ressemble beaucoup à la Panhard-Levassor de Monet, qui lui a été livrée en 1901.
Les nuages passent

Le bassin de Claude Monet à Giverny début octobre. Vu depuis l’extrémité de l’étang, le reflet du ciel donne cette impression d’immensité qui continue de fasciner les visiteurs, tout comme il a maintenu Monet scotché face à ce motif. Le lent mouvement des nuages, la brise qui trouble la surface produisent un effet d’hypnose auquel il est doux de s’abandonner, les yeux happés par les variations presque imperceptibles du paysage.
La tenue de travail de Monet

Edouard Manet, Claude Monet peignant dans son atelier (détail), 1874, Neue Pinakothek, Münich, Allemagne
Alors que je me posais la question de savoir quelle pouvait bien être la tenue de travail de Monet, l’évidence m’a frappée : lorsque ses amis peintres l’ont figuré en pleine action, il ne s’était pas fait beau pour la galerie. Il était dans sa tenue habituelle.
Le voici représenté par Manet à Argenteuil dans son bateau-atelier, en train de canoter et de peindre la Seine en même temps, sous les yeux de sa femme Camille. C’est l’été, il porte des vêtements clairs, sans que la touche très libre de Manet permette de savoir s’ils sont immaculés ou non.

Pierre Auguste Renoir, Claude Monet peignant dans son jardin à Argenteuil (détail), 1873, Wadsworth Atheneum, Hartford, Connecticut
Renoir peint Monet à Argenteuil au début de l’automne, alors que les dahlias sont dans toute leur gloire. Cette fois, Claude est plus chaudement vêtu d’un pantalon brun et d’une courte veste bleue. Il porte un chapeau rond sombre, une tenue qui évoque celle de son portrait par Renoir dans la véranda.

John Singer Sargent, Claude Monet peignant à l’orée d’un bois (détail), 1885, Tate Britain, Londres
C’est finalement John Singer Sargent qui nous le révèle en train de peindre à Giverny dans une tenue un peu plus décontractée : Monet n’a pas boutonné sa blouse bleue, dont un pan dépasse sous son pliant. Chapeau de paille, pantalon ample et gris (ou bien est-ce un morceau de tissu posé dessus ?), chemise blanche sous la blouse, pour une fois il n’a pas fait d’effort vestimentaire. Sargent nous donne le détail du visage mais il a avalé les pieds et surtout les mains toujours en mouvement. Monet paraît avoir posé sa palette sur ses genoux. Dans ces conditions, il est préférable que ses vêtements aient été à l’épreuve des taches.
La mode selon Monet

J’ai guidé cette semaine des personnes venues assister à la Paris Fashion Week, ce qui m’a donné l’occasion pour une fois de parler des goûts vestimentaires de Monet. Cette photo prise par Jacques Ernest Bulloz en 1905 est l’un des meilleurs exemples du raffinement recherché par le peintre. Une fashion victim à sa manière ! Elégant costume deux pièces, pantalon retenu par de solides bretelles de cuir fièrement arborées, chemise à plis ornée d’un volant et de poignets froncés, pantalon resserré à la cheville par quatre boutons, belles chaussures de cuir, chapeau, barbe ronde et cigarette à la main… Il y a un look Monet, qu’il s’est forgé sans se préoccuper des règles, comme toujours.
Plus jeune, il passait pour un dandy, sans avoir pourtant l’élégance naturelle d’un Manet, mais plutôt par goût des beaux vêtements. Son tailleur était à Paris, il ne se fiait pas aux petites couturières locales qui selon lui, rataient souvent leur ouvrage. Alice devait prendre plaisir à le voir habillé avec recherche. Sur cette photo, il s’est mis sur son 31 pour le photographe, ce qui est presque toujours le cas. Il lui arrive de poser la palette à la main, mais il est difficile de croire qu’il portait chaque jour une tenue aussi raffinée pour travailler. Comment s’habillait-il pour peindre ? C’est un mystère. On ne connaît aucune photo de Monet vêtu d’une blouse de peintre pour se protéger des taches de peinture.
Julie Manet et Claude Monet

Pierre Auguste Renoir, Portrait de Julie Manet, 1894, musée Marmottan-Monet
A seize ans, quand Renoir la peint, Julie Manet est déjà rompue à l’exercice de la pose. Depuis son plus jeune âge elle a servi de modèle à sa mère, Berthe Morisot. En 1892, elle a eu la douleur de perdre son père, Eugène Manet. Sa mère s’éteint à son tour en 1895, la laissant orpheline et désespérée, mais confiée à deux tuteurs prestigieux : Mallarmé (qui disparaît lui aussi en 1898) et Renoir. Au milieu de tous ces deuils, c’est dire l’importance que Renoir revêt pour Julie, tant sur le plan artistique que sur le plan moral. Il ne cesse d’apparaître dans son journal. Elle l’admire, elle loue sa gentillesse, sa bonté, elle est avide de ses conseils artistiques, puisqu’elle peint elle aussi. Elle le trouve profond et plein de sagesse. Il est son mentor.
En 1895, l’affaire Dreyfus éclate, et Renoir se range dans le camp des antidreyfusards. Tout naturellement, Julie, adolescente, adopte ses idées. Je pense que c’est là qu’il faut chercher la raison de la distance qui l’écartera de Monet par la suite. Le peintre de Giverny a exprimé son dévouement à Berthe Morisot en participant très activement à l’exposition de ses oeuvres organisée à sa mémoire. Mais Julie ne va plus guère le rencontrer, sauf dans le cadre d’obsèques ou de vernissages. A partir de 1898, Monet, ami de Clemenceau, qui a publié le J’accuse ! de Zola dans l’Aurore, prend fait et cause pour Dreyfus. L’affaire ne se dénoue qu’en 1906.
Le fuchsia de Magellan

Le fuchsia de Magellan forme un gigantesque arbuste en ce moment dans le jardin de Monet. Les fuchsias sont souvent utilisés en potées de taille réduite, si bien que cette expansion à plus de deux mètres de haut, mais aussi en largeur, surprend. Le fuchsia de Magellan, dont il existe de nombreux cultivars, est l’un des fuchsias les plus rustiques grâce à ses origines : il vient du sud du Chili et de l’Argentine, pas loin du détroit de Magellan, justement. Il résiste donc très bien à nos hivers et peut rester en terre toute l’année, ce qui lui permet de prendre cette belle ampleur. Et tout cela en quelques mois seulement, car il est recommandé de le tailler sévèrement au début du printemps.
Son nom vient du botaniste bavarois Leonhart Fuchs, l’un des fondateurs de la botanique de la Renaissance. Au XVIe siècle, Fuchs a été le premier à se pencher sur les plantes du Nouveau Monde et à les nomenclaturer. Son nom se prononce ‘foux’ en allemand, ce qui aide à se souvenir de la place du s. Il signifie Renard. En anglais, il faut penser à diphtonguer le u en ‘fyouchia’… mais si on oublie, les anglophones comprennent quand même !
Le château des Manet

A Juziers, en val de Seine, voici ce que l’on peut voir du château du Mesnil, propriété privée, à travers la grille d’entrée. Dans son journal de jeune fille, Julie Manet y fait référence à plusieurs reprises quand elle aperçoit le château depuis le train. La rue qui passe devant a été baptisée rue Berthe Morisot en 1991.

Le château a été acheté en 1891 par les parents de Julie, Eugène Manet et Berthe Morisot-Manet, peu avant le décès d’Eugène. Berthe, alors, ne supporte plus d’y séjourner et le met en location. Elle se plaît à penser que plus tard, Julie y reviendra et le peuplera d’enfants, et c’est effectivement ce qui va se passer. Quelques mois après ses fiançailles avec Ernest Rouart en 1900, Julie fait visiter le château à son futur époux. Le jeune couple décide d’en faire sa résidence. Ils auront trois enfants, Julien, Clément et Denis.
Harmonie rose

C’est l’automne aujourd’hui. Dans le jardin de Monet à Giverny, le long massif rose est l’un de mes préférés. Même s’il est difficile de choisir. Reines-marguerites, dahlias, sauges, gauras, cléomes se répondent dans toutes les nuances du rose, tandis que les capucines orange pointent leur nez pour les mettre en valeur.

Devant la maison, le violet des reines-marguerites et des sauges se mêle aux notes délicates des fuchsias et des tabacs. En regardant bien, on aperçoit les pompons des gomphrenas et les rayures de la mauve.

Un peu plus loin, ce sont les zinnias qui apportent les tons les plus soutenus. Ils éclatent au milieu des lavatères, des laurentias et des héliotropes.
Un homme pressé
Je n’ai pas de photo de Sébastien Lecornu, mais bon, vous voyez à quoi il ressemble, son visage est partout en ce moment. Je ne pense pas être la seule vernonnaise à qui cela fait un drôle d’effet de le voir nommé Premier ministre, sans en être surprise toutefois : à Vernon, son fief, on le connaît depuis longtemps. En 2014, il avait mené une campagne électorale inédite pour les municipales. Un livre intitulé Vernon mérite mieux avait été déposé dans chaque boîte aux lettres, présentant les très nombreuses mesures envisagées pour la ville. Son équipe débordait de dynamisme sur les réseaux sociaux.
C’est peu après son élection à la mairie en mars 2014, à l’âge de 27 ans, que j’ai rencontré Sébastien Lecornu pour la première fois. Je me suis présentée à l’accueil de l’hôtel de ville avec mon livre Vernon. Alors que j’expliquais le motif de ma visite, le nouveau maire est justement sorti de son bureau. Il connaissait le livre. Il m’en a commandé dix, pour faire des cadeaux. Un échange de moins d’une minute.
Nous n’avons pas gardé notre maire longtemps. Aux yeux de l’électeur, Sébastien Lecornu a un côté anguille : à peine élu il brigue déjà une autre fonction. L’électeur a un léger sentiment de s’être fait avoir. Dès décembre 2015, le jeune maire a échangé son siège avec celui de son premier adjoint pour cause de cumul des mandats, car il était devenu président du conseil général de l’Eure. Je me souviens avoir été soufflée par sa façon de griller les étapes. A peine élu conseiller général, et si jeune cela paraissait déjà un exploit, il prenait la tête du département ! Cela dénotait un grand sens de la politique politicienne, pour le moins, un talent pour le jeu des alliances et du réseautage. Et une ambition hors norme.
Par la suite, j’ai eu l’occasion de l’entendre dans diverses manifestations culturelles. Quand Sébastien Lecornu prend le micro après les autres orateurs, on change de registre. Il a une façon directe et franche de s’exprimer qui le fait trouver sympathique par beaucoup de vernonnais. J’ai été frappée par son charisme, bien entendu, sa connaissance des dossiers, son énergie et son goût de l’action. C’est ce que l’on peut attendre d’un homme politique. J’ai aussi trouvé que c’était un homme pressé, d’une hâte assez dérangeante.
L’histoire se passe à Giverny, au musée des impressionnismes, où une nouvelle exposition va ouvrir. Nous sommes cent ou deux cents personnes debout dans le hall. Le directeur remercie toutes les présents et les absents dans l’ordre protocolaire, et, avant de donner des détails sur l’exposition, il tient à manifester sa gratitude au président du conseil général, qui est un peu son patron puisque le musée est un établissement public de coopération culturelle. Le directeur a particulièrement apprécié que le président du conseil général ait « su rester à sa place » en n’intervenant pas dans les choix de programmation du musée. Il faut croire que ce n’est pas toujours le cas, et que certaines personnalités politiques se montrent un peu envahissantes. Pour le directeur, avoir les mains libres est certainement plus agréable.
C’est bien d’exprimer sa gratitude, n’est-ce pas ? Vient ensuite le tour de Sébastien Lecornu. Lui parle sans notes, et il n’est pas impossible qu’il improvise, il n’a pas que ça à faire d’écrire des discours pour des vernissages. Le voilà donc qui répond au directeur et qui glisse dès la deuxième phrase « il faut savoir rester à sa place », faisant rire toute l’assemblée par cette allusion. On croit à un sympathique clin d’oeil à l’orateur précédent. Mais Lecornu poursuit, et de phrase en phrase l’expression « rester à sa place » réapparaît, quatre, cinq, six fois. Le public ne rit plus du tout, conscient qu’il se passe quelque chose, qu’on est sorti des discours policés, qu’on a basculé dans la colère, le règlement de compte. Malaise.
Avec le recul, au vu du parcours supersonique de l’actuel Premier ministre, il est clair que l’expression « rester à sa place » était maladroite. Une gaffe, même. Lecornu en a été profondément vexé, bien à tort du reste. Mais il aurait pu garder ce ressenti pour lui. Je n’ai pas aimé assister à l’humiliation publique du directeur. Et je ne suis pas rassurée de savoir notre chef du gouvernement aussi impulsif. J’espère qu’il a acquis plus de retenue et de circonspection depuis, au fil de ses fonctions ministérielles, à l’approche de la quarantaine.
L’implicite

Thedore Butler, Marthe, femme de l’artiste.
Dans chacune de ses lettres à sa famille, Monet termine en embrassant petits et grands, mais Marthe, l’aînée des filles Hoschedé, a droit à un traitement à part. A elle, Monet fait ses amitiés. Qu’en conclure ? Que Marthe ne voulait pas qu’il l’embrasse. L’aînée, contrainte par sa mère de la suivre chez Monet, restait fidèle à son père.
En visite à Giverny avec sa mère Berthe Morisot, Julie Manet fait tout le tour de la maison nouvellement agrandie et de la serre qui vient d’être construite. Mais une pièce reste fermée : « Nous n’avons pas vu la chambre de Mlle Marthe. »
Il est probable que nous ne trouverons jamais une archive qui nous permette de savoir le fin mot de cette histoire. Mais il est tentant d’essayer de percer l’implicite, avec tous les risques d’erreur que cela comporte. Que pouvons-nous comprendre ? Que Julie Manet a remarqué qu’elle n’avait pas tout vu de la maison. Lui a-t-on donné une explication à la porte close ? Ce n’est pas sûr. Si Marthe avait prétendu être souffrante, Julie, très empathique, l’aurait sans doute mentionné dans son journal. Ce qui me paraît découler de sa brève remarque, c’est que Marthe boude. Elle refuse de rencontrer les amies de Claude Monet.
La maison de Monet vue par Julie Manet

Le 30 octobre 1893, Julie Manet note dans son journal cette description de la maison de Monet à Giverny :
La maison a changé depuis la dernière fois que nous sommes allés à Giverny. M. Monet s’est fait faire une chambre par-dessus l’atelier avec de grandes fenêtres, des portes et un parquet en pitchpin, et tendue de blanc. Dans cette chambre beaucoup de tableaux sont accrochés, entre autres : Isabelle se peignant, Gabrielle à la jatte, Cocotte avec un chapeau, un pastel de Maman, un pastel de l’oncle Edouard, une femme nue très jolie de M. Renoir, des Pissarro, etc.
La chambre de Mme Monet a des boiseries bleues, celles de Mlles Blanche et Germaine sont violettes. Nous n’avons pas vu la chambre de Mlle Marthe. Mlle Blanche nous a montré des tableaux d’elle, qui sont d’une jolie couleur, deux, des arbres se reflétant dans l’Epte ressemblent à la peinture de M. Monet.
Le salon est en boiseries violettes, beaucoup de gravures japonaises y sont accrochées, ainsi que dans la salle à manger qui est toute jaune. Nous sommes allées sous des peupliers voir la serre où se trouvent des chrysanthèmes magnifiques. Puis la pièce d’eau sur laquelle se trouve un pont vert à l’air japonais.
M. et Mme Butler sont venus, leur petit garçon est très gentil, il voulait tout le temps me tirer les cheveux ; il a six mois.

La chambre de Blanche Hoschedé à Giverny, « violette »
A Sainte-Adresse

L’été est encore là au Havre, où quelques baigneurs se hasardaient dans l’eau hier après-midi. Cette vue, c’est celle que Monet aurait eu alors qu’il peignait Terrasse à Sainte-Adresse, s’il avait tourné les yeux vers la gauche, et non légèrement à droite pour capter le profil de son père. Peut-être portait-il parfois son regard de ce côté-là.
Pour jouir de cette vue il faut faire partie de la société des régates, qui possède solarium, piscine et terrain de beach volley juste au-dessus de la plage. On est au tout début de la digue qui longe le bas des falaises. C’est grâce à un dyonisien, Rémy Dufour, que j’ai pu entrer dans ce domaine privé.

Sainte-Adresse est un lieu idyllique, un balcon sur la mer. Pourquoi devrait-elle être bleue ? Elle affiche des teintes subtiles et douces où le gris argent domine. Au loin, les bateaux en zone d’attente patientent, attendant la marée pour remonter la Seine vers Rouen.
Autrefois, un sémaphore de commerce permettait d’échanger des messages avec les navires de façon à se mettre d’accord pour la vente de la cargaison, sans perdre une minute.

J’ai gravi l’escalier Claude Monet, j’y tenais. Il va de la rue du beau panorama, d’où on ne voit pas grand-chose, à la place Frédéric Sauvage, devant l’immeuble Dufayel, qui offre une vue magnifique. Si Monet rôde encore par là, il doit aimer cette image de l’escalier que l’on gravit, symbole de sa carrière.

Voici le fameux immeuble Dufayel, dénommé le Nice havrais. De loin, j’ai crû qu’il était bâti en pierre de Caen. Point du tout. C’est de la brique jaune, une composition spécialement élaborée pour Dufayel.

En s’élevant encore, on longe d’anciennes pinèdes. Je crois que c’est Dufayel, toujours lui, qui en a eu l’idée pour copier Nice.

Un peu plus haut on arrive à une petite place. C’est là que se trouve la table d’orientation. Au premier plan, une reproduction du célèbre tableau de Monet, même si ce n’est pas tout à fait là que le peintre se trouvait. On est à peu près au niveau du haut du Barvalet, une valleuse perchée bien visible sur les tableaux de Monet. Depuis, entre la végétation et les constructions, elle n’est pas facile à voir.

Le Barvalet, c’est cette zone verte sur le tableau. En venant du Coteau, Monet pouvait passer par là pour rejoindre la plage. Plus près du centre ville, un parc à huîtres barrait le passage le long de la mer.

Et voici l’église Saint-Denis, achevée en 1877. Celle que Monet a peinte se trouvait à l’avant et à droite, du côté de la voiture rouge. Une fois la nouvelle église achevée, l’ancienne a été démolie et la rue alignée et élargie de 3 ou 4 mètres.
Le journal de Julie Manet

Claude Monet, La Cathédrale de Rouen, le Portail, effet du matin,
1894, fondation Beyeler, Riehen, Suisse
La fille de Berthe Morisot et d’Eugène Manet a tenu son journal, de ses 14 ans jusqu’à sa rencontre avec Ernest Rouart, son futur mari. Orpheline de bonne heure, elle était sous la tutelle de Stéphane Mallarmé, elle recevait les conseils de Renoir en matière de peinture, et vivait avec ses cousines également orphelines, Paule et Jeannie Gobillard. Jeannie avait un an de plus que Julie, Paule onze.
Elle est adorable, cette petite Julie. Tendre, affectionnée, et très studieuse. On la voit être dévastée par la mort de sa mère, décrire un par un les tableaux qui figurent à l’exposition commémorative organisée par ses amis, Monet, Degas, Renoir… On sent poindre la grande collectionneuse qu’elle sera. C’est tout naturellement que, lors d’une visite à Giverny avec sa mère le 30 octobre 1893, elle détaille les oeuvres que leur montre Monet. Elle va avoir quinze ans, et partage son temps entre l’étude du violon et celle de la peinture.
Lundi 30 octobre :
Parties ce matin de bonne heure pour Giverny. Pluie toute la journée. M. Monet nous a montré ses cathédrales. Il y en a vingt-six, elles sont magnifiques, quelques-unes toutes violettes, d’autre blanches, jaunes, avec un ciel bleu, roses avec un ciel un peu vert, puis une dans le brouillard, deux ou trois dans l’ombre au bas et et éclairées des rayons du soleil sur les tours. Ces cathédrales, admirablement dessinées sont faites par masses, et cependant on y découvre chaque détail, elles sont tellement dans l’air. Cela me semble si difficile de ne pas dessiner tous les détails. Ces tableaux de M. Monet donnent une bonne leçon de peinture.
Nénuphars à Giverny

Sur le bassin de Monet, les nymphéas sont en pleine floraison, déclinant toute une gamme de couleurs.
Tous les nénuphars ne flottent pas. Certains se dressent sur leurs tiges pour mieux surveiller les environs.

La saison est doucement en train de changer. Elle glisse du plein été vers la fin, et voit tomber les premières feuilles. Les nymphéas, trompés par une eau encore tiède, ne s’en sont pas encore rendu compte.

Mais le raccourcissement des jours, le manque de grande lumière va faire son oeuvre et ralentir leur ardeur à fleurir. A dix-huit heures, sous le ciel gris, ils partent déjà se coucher. Leurs corolles se referment, ils plongent sous la surface. A demain matin !